L’orgueil paraît être le plus manifestement théologique des péchés capitaux, ne serait-ce que parce que sa contrepartie, l’humilité, n’est pas une vertu à l’horizon de la morale antique avant l’irruption du christianisme. Et pourtant. S’il est vrai que ni Aristote ni les stoïciens ne parlent de l’humilité, la pensée grecque est profondément consciente du déséquilibre induit par l’orgueil, qui est pour elle hybris, démesure. C’est elle que combat le double précepte d’Apollon delphique : Rien de trop et Connais-toi toi-même ; car on doit se connaître pour ne pas imaginer être plus qu’en réalité. Le principal ressort de la tragédie grecque est d’ailleurs la démesure : l’homme qui ne reste pas à sa place, parce qu’il l’ignore, va au-devant d’une catastrophe aussi fatale qu’inéluctable.