On voit ainsi que Dieu, en se révélant, intervient certes dans le monde, mais sans déraciner absolument les hommes de leur temps et de leur culture : être dans le monde sans être du monde. L’homme nourri de la Révélation est appelé à devenir un véritable équilibriste afin de ne pas rejeter la culture, œuvre de la nature humaine, et donc aussi, indirectement, de Dieu comme auteur de cette nature ; ne pas rejeter la culture, et cependant, en même temps, la transcender aussi pour l’élever à l’ordre surnaturel, seul capable de combler notre désir d’infini. En ce sens, il est permis de parler d’une pédagogie divine, qui soulève sans déraciner, qui va chercher les hommes pour les emmener où ils ne seraient pas allés si personne ne les avait guidés.
Cela prend du temps : dans la vie d’un homme, cela peut prendre des années, être l’œuvre même de toute une vie ; dans la vie des peuples, c’est une œuvre de longue haleine, qui se déroule au fil des siècles. Qu’est-ce alors que le temps ? Dans la huitième conférence, nous avions évoqué un aspect de la pensée de saint Augustin ; c’est à un autre aspect que sera consacré la neuvième et dernière conférence de ce cycle : le temps chez saint Augustin.
Le temps de l’homme et le temps des hommes. Saint Augustin est le grand penseur de l’histoire : l’histoire d’une âme appelée à découvrir sa véritable vocation d’enfant de Dieu — voilà les Confessions — , et l’Histoire de l’humanité, qui voit les royaumes et les empires naître, grandir, mourir, de sorte que les vicissitudes du temps de l’Histoire nous invitent à considérer le terme qui les transcende éternellement pour entrer dans le temps de Dieu lui-même — et voilà La Cité de Dieu.